L'HISTOIRE DE LA CHAROLAISE
Origine
L’origine de la race Charolaise a suscité un grand nombre d’hypothèses. Pour certains, elle serait issue d’un bétail ramené des croisades par les seigneurs de Damas, grande famille noble du sud de la Bourgogne. Pour d’autres, tel Sanson, zootechnicien français du 19ème siècle, cette race serait d’origine jurassique.
Histoire
Le bétail Charolais est alors cantonné dans son berceau d’origine, la vallée de l’Arconce, qui draine les régions Charollaise et Brionnaise. Petit à petit, cette région se spécialise dans l’élevage et l’embouche. Les prés progressent aux dépens de la forêt et des cultures, en raison de la grande famine des années 1709 – 1711 et donc des pénuries de viande dans les grandes villes. Mais il y a surtout, contrairement au reste des campagnes françaises, très peu de terrains communaux. En effet, le territoire d’une paroisse est ordinairement partagé en trois « contrées » pour l’assolement triennal. Tous les possesseurs sont contraints de suivre cette règle et toute tentative de prairie est vouée à l’échec. Par contre, dans le Brionnais et le Comté de Charolles, pour des raisons politiques, l’administration des terres diffère : le territoire est partagé en domaines privés et métairies dont le maître jouit en vrai propriétaire. Il peut donc y mener paître ses animaux quand il le veut. D’ailleurs, Varenne de Berest écrit en 1761 : « Chacun de ces deux petits baillages nourrit proportionnellement beaucoup plus de bétail qu’aucun autre baillage de la province et d’une espèce fort supérieure. C’est dans ces deux pays seulement qu’on engraisse des bœufs pour le Service des Boucheries. » Les bœufs une fois engraissés sont vendus aux boucheries de Lyon et Paris. Le premier envoi à Paris a lieu en 1747 avec Emilien Mathieu, qui relève ce défi et effectue un voyage de 17 jours !
On intensifie l’élevage du bétail Charolais pour pouvoir répondre aux débouchés de plus en plus importants au fur et à mesure de l’ouverture de routes. C’est ainsi que la race blanche se développe dans son berceau d’origine et la prospérité de la région s’accroît progressivement au cours du 18ème siècle.
En 1773, Claude Mathieu, fils d’Emilien Mathieu, part du village d’Oyé dans le Brionnais avec son cheptel pour s’établir fermier de la famille de Damas, à Anlezy près de Nevers. Là, sur des terres argilo-calcaires, froides et compactes, il installe de riches herbages afin de développer son cheptel. En quelques années, il transforme le domaine et l’on voit s’étendre de grandes prairies artificielles couvertes de bêtes blanches dont la conduite simple n’occupe que quelques domestiques.
D’autres Brionnais suivent son exemple et prennent des fermes en location autour de Nevers. Sur les registres paroissiaux, la plupart sont mentionnés comme « marchands », et il est possible qu’ils achètent des bœufs dans le Charollais pour aller les vendre à Paris au marché de Poissy, Nevers faisant office d’étape.
Dans la première moitié du 19ème siècle, le Charolais remplace progressivement le bétail existant. Mais surtout, on commence à le sélectionner sur des aptitudes viande – travail, afin d’obtenir un animal solide et robuste mais conservant, comme les animaux du berceau, une excellente conformation.
Le Charolais se répand, dès cette époque, dans l’ensemble des départements du Centre et de plus en plus vers les zones de grandes cultures où l’on s’intéresse à son emploi comme animal de trait du fait de ses qualités intrinsèques.
Les années 1820 voient aussi apparaître de nouvelles méthodes de sélection à l’initiative, en particulier, de Louis Massé, dans le Cher. Celui-ci cherche à augmenter le poids de ses animaux par une nourriture plus abondante, plus régulière et plus riche. Mais il s’attache également à trier judicieusement ses reproducteurs « tenant moins compte de leur taille et de leur corpulence que de l’ampleur de la poitrine et du bassin, du peu de longueur des membres, de la petitesse des os et de la souplesse, de l’élasticité du cuir, du soyeux du poil et de l’aptitude laitière de la vache ». Cette sélection vaut à Louis Massé et ses enfants un succès tel qu’ils remportent régulièrement les médailles des concours de boucherie et de reproducteurs.
La propension à l’engraissement étant toujours le premier souci des éleveurs producteurs de viande, qui cherchent à diminuer l’âge à l’abattage et donc le prix de revient de leurs animaux, on ne tarde pas à recourir à la race Durham : les croisements sont en effet très utilisés à cette époque en France, et en particulier avec cette race anglaise.
Les premiers Durham blancs sont introduits en 1830 par le Comte de Bouillé qui a créé quelques années plus tôt une belle vacherie de Charolais en son domaine de Villars (Nièvre). Les métissages entrepris, et qui dureront jusqu’en 1843, sont à l’origine de la race Nivernaise. Ces sujets ont des qualités remarquables de précocité, de finesse et d’aptitude à l’engraissement, comme en témoignent les concours d’animaux de boucherie, inaugurés en 1844 à Poissy, où les animaux croisés Durham figurent souvent dans les palmarès.
Cependant, ils sont moins rustiques, plus exigeants, souvent trop chargés de gras et leur aptitude au travail régresse considérablement. On en revient donc à l’élevage en race pure, qui s’organise à partir de 1864 avec la fondation du Herd-Book de la « Race Bovine Charolaise améliorée dans la Nièvre et connue sous le nom de Race Nivernaise » par la Société d’Agriculture de la Nièvre, présidée par le Comte de Bouillé. « Si donc l’introduction du Durham a joué un rôle incontestable dans l’histoire du perfectionnement de la race Charolaise, ce n’est pas en lui donnant son sang, comme on a coutume de le dire, mais bien en mettant sous les yeux des éleveurs un modèle à imiter par les procédés au moyen desquels ce modèle a été lui-même réalisé » (Sanson, 1867).
Dans le même temps, les concours de reproducteurs et d’animaux gras se développent et acquièrent, dès 1865, une légitime réputation en entretenant une profitable émulation entre les éleveurs. Les animaux de race Charolaise atteignent déjà un bon développement.
En 1860, les effectifs de la race Charolaise sont estimés à 315 000 têtes. En 1892, on en retrouve 1 128 000 et on note que cette race, outre son expansion dans tout le Centre, est aussi présente dans l’Ouest. En effet, dans le Bocage Vendéen, où l’exploitation du sol se fait par métayage, les bénéfices réalisés sur la vente des animaux sont partagés entre le propriétaire et le métayer tandis que ceux procurés par le lait reviennent exclusivement au second. Ainsi, les métayers attachent une grande importance à la production laitière de leurs vaches alors que les propriétaires s’intéressent, dès le milieu du 19ème siècle, à obtenir des animaux plus précoces et mieux conformés que la race Vendéenne. C’est ainsi que les frères Batiot, séduits par les animaux Charolais qu’ils découvrent à l’Exposition Universelle de 1878, les introduisent l’année suivante sur leur domaine de Bourg-sous-la-Roche. Les Charolais vont ainsi se développer dans l’Ouest.
Cependant, les éleveurs de la zone de Charolles, dont certains ont toujours considéré avec beaucoup de défiance les croisements avec le Durham, ouvrent en 1882 pour leur département, sous l’impulsion du Conseil Général de la Saône-et-Loire, un « Herd-Book de la race Charollaise pure », dans le but d’assurer le maintien de la pureté de la race et de contribuer à son amélioration.
L’utilisation de la race Charolaise comme race viande-travail durant toute cette période, permet d’orienter la sélection vers un type d’animal musclé, de grand format, n’ayant pas tendance à déposer trop de gras. Cela lui est particulièrement précieux pour l’orientation qu’il prend, à partir de 1920, de devenir exclusivement un animal de boucherie.
L’expansion dans le monde
L’essor du Charolais dans les zones herbagères du Centre et du Centre-Ouest de notre pays ne peut laisser indifférents les éleveurs étrangers.
En 1906, deux éleveurs de la Nièvre, Frédéric Bardin et Alphonse Colas, exposent des reproducteurs charolais à Milan. Le succès est tel qu’en 1910, à l’occasion de l’exposition internationale de Buenos-Aires, le Syndicat des Éleveurs de la race Charolaise pure organise une souscription pour y envoyer les plus beaux spécimens de la race. L’élan est donné et, après la première guerre mondiale, les délégations étrangères commencent à venir visiter nos élevages. Le Syndicat Central d’Exportation de Reproducteurs de la Race Charolaise est créé en 1921. Son activité se développe rapidement jusqu’en 1923-1924 mais la crise mondiale qui survient peu après freine considérablement les exportations, quasi inexistantes à partir de 1934.
Il faut attendre les années 1955-1960 pour assister à une véritable reprise, grâce en particulier aux nombreux voyages que fait alors Émile Maurice, Président du Herd-Book Charolais : Espagne, Portugal, Angleterre, Amérique du Sud et Amérique du Nord. Il sera à l’origine de la Fédération Internationale des Associations d’Éleveurs de la race Bovine Charolaise (F.I.A.E.R.B.C.), aujourd’hui Charolais International. Le Charolais s’exporte rapidement et efficacement grâce à son utilisation facile en croisement pour l’amélioration des races locales.
L’expansion en France
Ce qui caractérise surtout cette période, c’est l’importance croissante attachée à la sélection. On cherche à améliorer la conformation et l’épaisseur des masses musculaires, à obtenir une poitrine plus profonde, des membres raccourcis mais sans exagération, pour conserver l’aptitude à parcourir de grands pâturages.
Ces qualités permettent l’expansion de la race dans les régions voisines de la Vendée (Anjou, Poitou, Charentes), dans le Sud-Ouest (milieu du Bassin Aquitain), dans le nord de la France et en montagne pour le croisement industriel. Cette évolution se fait jusqu’en 1950 grâce aux Concours qui montrent aux éleveurs le type d’animal à produire et au Herd Book qui n’inscrit que les animaux conformes au standard. Puis apparaissent de nouvelles méthodes de sélection basées sur des critères plus objectifs d’appréciation de la croissance et de la valeur bouchère.
L'évolution des outils de sélection
Après la Seconde Guerre Mondiale, la sélection génétique bovine se structure et se dote de nouveaux outils afin d’assurer un gain de productivité qui permettra de nourrir la population après guerre. Les animaux doivent être plus performants, et ce rapidement.
Afin de compléter la sélection empirique des éleveurs sur la morphologie, le contrôle de performances en ferme se développe dans les années 1950 avec la création des Syndicats de Contrôle de Performances. Afin de valoriser ces données collectées à une échelle nationale, les Syndicats se restructurent avec la création en 1959 de la Fédération des Organismes de Contrôle de performances. Ils s’appuient sur l’Etat Civil Bovin, aujourd’hui Certification de parenté Bovine (CPB) : les données de performances et de généalogie sont regroupées dans une base de données nationale.
Le contrôle de performance (pesées) sera plus tard complété par des descriptifs de morphologie (pointage) et des mensurations. Il a pour but de mettre en évidence les souches laitières, et les types « viande » ou « élevage ».
Technique apparue dans la fin du 19ème siècle mais utilisée en bovin à partir de 1945, l’insémination animale (IA) a connu un essor fulgurant entre 1945 et 1960 par son efficacité à : 1) évaluer des reproducteurs sur un grand nombre de descendants dans différents élevages, y compris sur des caractères peu héritables ; 2) diffuser en masse la génétique des meilleurs animaux de la race et ainsi accélérer le progrès génétique.
Cependant, en charolais, cette technique n’a pas connu l’engouement des autres races, notamment laitières, du fait des méthodes de conduite (pâturage) des éleveurs allaitants et de la nécessité d’une intervention humaine.
La Transplantation Embryonnaire a révolutionné l’amélioration de la race par la diffusion des meilleurs potentiels génétiques sur la voie femelle en réduisant le biais de rythme de reproduction entre mâles et femelles. Cette technique étant très coûteuse, elle reste limitée aux meilleures vaches de la race.
Dans les années 1960, l’organisation du développement de l’IA par les Entreprises de Sélection s’est concrétisée par la création des Centres d’Insémination Artificielle (CIA) qui ont structuré la procréation, le recrutement, le contrôle et la diffusion par l’IA des meilleurs reproducteurs.
Les stations de Contrôle Individuel (CI) ont pour but d’évaluer les mâles principalement sur leurs croissances, mais aussi sur les conformations et autres caractéristiques (efficacité alimentaire, aplombs, anomalies génétiques – à l’époque le palais fendu, etc.) qui seront par la suite agréés pour la diffusion par l’IA. Le 1er taureau diffusé par IA ayant marqué la race charolaise dans les années 1970 est URBIN (né en 1968).
Les protocoles des stations de CI ont évolué à partir des années 1980, passant d’un contrôle de reproducteurs adultes à un contrôle de jeunes veaux en CI, et en définissant des orientations de sélection plus spécifiques, avec des stations de CI orientées « qualités maternelles » (comme à Creuzier le Neuf – 03 et Montrond les Bains – 42) et des stations de CI orientées « qualités bouchères » (comme à Château Gontier – 53 et Naves – 19).
Afin de compléter l’évaluation au sevrage par l’évaluation des qualités bouchères, les stations des testages sur descendance orientées « Aptitudes Bouchères », telles que la station de Pont-Sainte-Marie (10), ont été créées. Elles avaient pour but de contrôler la descendance mâle de certains taureaux passés en CI sur les aptitudes à l’engraissement et les qualités à l’abattage.
L’évaluation des caractères étant plus ou moins facile selon l’héritabilité du caractère, les CIA ont créé les stations de testage sur descendance orientées « Qualités maternelles », comme la station d’Agonges (03), permettant l’évaluation des filles des reproducteurs améliorateurs sur les qualités maternelles (fertilité, aptitudes au vêlage, qualités laitières), celles-ci étant plus difficiles à évaluer directement que la morphologie ou la croissance. Le principe d’une station QM est d’évaluer les taureaux sur la production de leurs filles : les accouplements raisonnés sont effectués dans plusieurs élevages sélectionneurs, et les femelles sont achetées pour entrer en station QM et être évaluées sur leur production. Les stations QM permettent une sélection complète et extrêmement efficace des meilleurs taureaux sur leurs performances de leurs filles (effets maternels), mais elles ont l’inconvénient d’être très coûteuses à mettre en place et de retarder la diffusion entre la naissance du taureau, l’évaluation de ses filles puis de ses petits-produits, puis la mise en marché à l’IA. La station QM d’Agonges a fermé ses portes en 2018.
Cette orientation QM a mené conjointement à la sélection des facilités au vêlage. Ces critères de sélection étant anti-corrélés aux caractères de production directe (morphologie/croissance), l’utilisation de ces taureaux a été pendant longtemps clivante auprès des éleveurs, améliorant certains critères d’un côté, mais dégradant les performances de production de viande de l’autre. A partir des années 1990, les taureaux en testage étaient contrôlés sur qualités bouchères et qualités maternelles afin de maintenir un équilibre sur les reproducteurs fortement diffusés à l’IA. Ils pouvaient ainsi obtenir la double qualification QB et QM et être reconnus « Reproducteurs Reconnus Elite ».
Sur cette même période, les stations d’Evaluation (SE) sont mises en place et connaissent un essor remarquable dans les années 1990-2000. Ces stations permettent d’évaluer des centaines de reproducteurs par an sur leurs croissances et morphologie dans des milieux contrôlés (gommage des effets d’élevage) et de diffuser pour la Monte Naturelle des reproducteurs de qualité avec une évaluation génétique bien connue. Dans les années 2020, les SE ont permis d’évaluer plus de 500 taureaux par an.
En 2023, en charolais, toutes les stations de testage ont fermé leurs portes, et la seule station de CI restante affiliée à Charolais France est la station d’Epinal (88) où sont contrôlés les taureaux de Charolais Univers.
Dans les années 1980, le programme de Connexion permet d’évaluer les taureaux en ferme au sevrage. Une cinquantaine d’élevages, « connectés » génétiquement par l’utilisation de taureaux d’IA, réalisaient des relevés de performances complémentaires (ex : mensurations des vaches) et de caractéristiques de conduites (ex : niveau d’alimentation des veaux sevrés). Ce programme avait notamment pour but de qualifier les taureaux (anciennement « RR3 », aujourd’hui « RVS »).
Pour pallier l’orientation prépondérante de la sélection des taureaux d’IA sur les qualités maternelles, mais aussi pour compenser le fait que seulement 50% du potentiel génétique est évalué par le contrôle des taureaux, le programme de Qualification mis en place par le HBC avait pour but de repérer les meilleures mères à taureau présentant un morphologie équilibrée.
Dans les années 1990, l’évaluation de la morphologie (pointage, mensurations) se démocratise et est réalisée en ferme sur tous les potentiels reproducteurs de Monte Naturelle. Sur les données « jeunes », elle permet de compléter les données de croissance collectées depuis longtemps, d’évaluer les performances des veaux issus des taureaux d’IA dans leur environnement réel et compléter les performances issues des stations. C’est aussi un moyen de collecter des données de morphologie et croissance en ferme de façon plus importante sur les filles des taureaux de Monte Naturelle et potentiels taureaux d’IA. C’est le début du testage en ferme.
Les premières méthodes d’indexation ont été mises en place dans les années 1970, sur les femelles principalement, notamment grâce au développement de la micro-informatique. Il s’agissait à l’époque d’indexation intra-troupeau et ciblée sur certains troupeaux seulement.
Dans les années 1990-2000, les progrès en termes d’outils informatiques, et donc de capacité de calculs, permettent de mettre en place une évaluation génétique nationale à grande échelle basée sur un modèle statistique appelé « BLUP modèle animal » : l’indexation IBOVAL. Cette indexation intra-race a connu plusieurs évolutions au cours du temps, notamment avec l’intégration des données génomiques.
En 2021, un programme national a été lancé pour réformer le calcul des index, en intégrant notamment de nouvelles méthodes comme le Single Step, l’évaluation multi caractères ou la création des groupes de parents inconnus.
Pour plus d’informations sur les modèles d’indexation :
- Notes IBOVAL de l’Idèle
- Projet UNIGENO
Dans les années 2000, les progrès technologiques en termes d’analyses du génome, combinés à l’essor de l’informatique, permettent la miniaturisation et l’automatisation des techniques de génotypage. Le génotypage en routine pour la race charolaise date de 2016. Il a notamment complété le testage en ferme et remplacé les stations de testage sur descendance dans l’évaluation des taureaux des schémas de sélection. Pour tous les animaux contrôlés et/ou inscrits de la population charolaise, il permet d’estimer le potentiel génétique d’un animal dès la naissance et donc de ne pas attendre la naissance des premiers produits pour disposer d’une évaluation génétique plus précise. De plus, le génotypage permet également de connaitre le statut des animaux au niveau des anomalies génétiques et gène d’intérêt. En charolais les gènes identifiés et détectables par génotypage sont l’ataxie progressive, le « culard » (2 mutations : MH – Q204X, et MH BEEF – F94L), le « sans cornes » (Polled Celtic), le BLIND et la DEA (Dysplasie éctodermique anhydrotique).
Pour plus d’informations sur les anomalies génétiques en bovins : cf. Observatoire National des Anomalies Bovines
Simultanément au développement de tous ces nouveaux outils, les outils de sélection empiriques tels que les concours ou les ventes sont restés les outils privilégiés de la sélection des animaux reproducteurs de Monte Naturelle. Entre 1960 et 1980, la préparation des animaux pour les concours évolue et les périodes de concours (initialement en janvier) se décalent en automne. Ces modifications de pratiques ont eu un impact majeur sur l’évolution morphologique de la race : les animaux se doivent d’être plus précoces (amélioration de la croissance jeune) et l’ossature doit permettre de supporter ces croissances exceptionnelles sans dégrader les aptitudes fonctionnelles (aplombs). En 2021, une modification substantielle est introduite dans le règlement des Concours reconnus HBC : la division des sections de veaux mâles en 3 catégories aux caractéristiques et objectifs bien définis : « Grands Raceurs », « Sélection Bien Naitre » et « Catégorie Viande ». Chaque année plus de 4000 animaux participent aux concours reconnus HBC sur tout le territoire français.
Les axes de sélection de la race depuis 1950
Les qualités bouchères ont été l’axe premier de sélection de la Charolaise quand celle-ci est passée de race de trait à race à viande (cf. chapitre sur l’histoire de la race). Ce caractère a été un atout décisif dans le contexte d’après guerre lorsque les politiques agricoles ont poussé les éleveurs à spécialiser leurs troupeaux (viande ou lait) afin d’augmenter la productivité du troupeau français et nourrir la population. Caractère toujours central dans le choix des races, il a permis à la charolaise de se démarquer très tôt et devenir la 1ère race à viande en France et en Europe.
Dans un contexte d’après guerre où la rentabilité (produire plus avec moins) devient l’objectif majeur de l’agriculture française, la croissance a été l’une des premières performances à être collectée massivement (par l’intermédiaire des organismes de contrôle de performances) et a été intensément sélectionnée à partir des années 1980, ce qui explique notamment la réputation de la charolaise quant à ses niveaux de GMQ inégalés. Les premiers index avant et après IBOVAL étaient d’ailleurs calculés sur cette performance et continuent aujourd’hui d’être déterminants dans la pondération des index de synthèse (ISEVR, IVMAT, IMOCR en station) et les qualifications.
Les qualités maternelles ont été travaillées assez tôt en race charolaise, avec la mise en place des stations QM dans les schémas de sélection. C’est un critère de production qui a toujours été prioritaire pour les éleveurs charolais, car gage de rentabilité et facilité d’élevage : vaches maternelles, qui élèvent leur veau jusqu’au servage par une production laitière parmi les meilleures pour les races allaitantes. Le potentiel laitier a d’ailleurs été évalué très tôt à la création des index IBOVAL avec l’index ALait calculé à partir des croissances des veaux.
A partir des années 2000, la Charolaise voit son orientation évoluer vers le travail des facilités de naissance avec le programme « Vêlage Facile » (VF) mis en place par le HBC, dont le premier représentant est le taureau TOMMY VF (né en 2002), 1er taureau identifié VF diffusé à la monte publique par Charolais Expansion. A partir de 2009, la Station d’Evaluation du Marault (58) se spécialise dans le Vêlage Facile avec une sélection d’une quarantaine de reproducteurs par an exclusivement orientés VF. En 2021, c’est au tour de l’outil Concours d’intégrer cet objectif, avec la création des sections « Sélection Bien Naitre » pour les veaux mâles.
Ce programme de longue haleine a porté ses fruits avec une amélioration remarquable des Conditions de naissance (CN) tout en conservant les autres performances de production de la race (croissance, morphologie, qualités maternelles). En 10 ans, nous avons observé une évolution de +4pts de « Vêlages Faciles » (CN1 ou 2), et -4pts de césariennes sur 1er vêlage. La mise en place de ce programme a surtout permis de sensibiliser les éleveurs sur l’achat et l’utilisation de taureaux dit « à génisses » afin de sécuriser les 1ers vêlages. Vingt ans après, le travail continue et les efforts pour maintenir ce caractère essentiel au bien être de l’éleveur doivent perdurer afin de conserver le caractère « facile à élever » de la race Charolaise.
La Charolaise est la race pionnière du Sans Cornes en bovins allaitants, les premiers reproducteurs Sans Cornes apparaissant dans les années 1980 avec Romulus (né dans la Nièvre). L’allèle n’étant originairement pas présent dans la race, il a été introduit par croisement raisonné avec une autre race porteuse de l’allèle « Polled Celtic ». Les premiers taureaux Sans Cornes de Monte Publique apparaissent dans les catalogues dans les années 2000. Malgré une production en deçà des animaux cornus dans un premier temps, ils connaissent un engouement certain et sont aujourd’hui très présents dans les outils raciaux (Stations, Schémas de Sélection, Ventes aux Enchères etc.). Le développement de ce caractère en race Charolaise est en phase avec les attentes de la société quant au respect du Bien Etre Animal.
La race d'aujourd'hui et de demain
La sélection sur des performances de production ainsi que la diversité génétique et morphologique de la Charolaise ont fait d’elle la première race allaitante française, présente aujourd’hui sur l’ensemble du territoire national et sur tous les continents, utilisée en race pure comme en croisement.
L’adaptation aux enjeux et aux contextes de production à venir amène à introduire aujourd’hui dans la sélection de la race des critères tels que la longévité, la résilience, les émissions de GES etc.
Les enjeux pour la sélection sont désormais très larges. Il en va de la souveraineté alimentaire de la France, de la préservation du patrimoine français de l’élevage, de la vivabilité des futures générations dans un monde qui doit gérer le changement climatique.
Les acteurs qui constituent l’organisme de sélection (l’OS Charolais France), qui sont le Herd Book Charolais, Charolais Univers et Auriva, Association Bovins Croissance, les Chambres d’Agriculture, des organisations de producteurs, s’impliquent dans les projets qui doivent permettre de répondre aux grands enjeux pour l’élevage de demain, avec l’appui de l’Idèle, de l’INRAE et de nombreux autres partenaires.
En lien à ces enjeux nous retrouvons des constantes qui déterminent l’action de l’OS :
- La race doit et devra toujours s’adapter pour rendre son élevage compatible avec les attentes des éleveurs et les conditions de milieux dans lesquelles elle est élevée.
- Les produits de cet élevage doivent être en phase avec les besoins et les demandes du marché et des consommateurs.
Les outils de sélection sur lesquels s’appuient nos actions devront être efficaces, pertinents et innovants. Cela suppose de consolider nos fondations et de faire évoluer nos approches : des orientations pour la race seront à ajuster régulièrement par les éleveurs et les acteurs de l’aval, des approches novatrices sont à explorer pour la collecte de phénotypes pierre angulaire de l’évaluation génétique, une adaptation constante aux évolutions technologiques et informatiques est nécessaire (analyses génétiques massales et modèles statistiques innovants, notamment par l’avènement de l’Intelligence Artificielle).
Faire de l’élevage bovin un métier attractif et de la race charolaise une évidence quant au choix de production, est le défi qu’il faudra relever si nous voulons assurer un avenir serein à ce métier de passion.